vendredi 16 février 2007

Que veulent dire les sondages ? La contreperformance de Mme ROYAL

J’entends souvent dire ici où là « pourquoi accorder une telle place aux sondages ? ». « Rappelez-vous 2002 ! » « A deux mois d’une élection, cela ne veut rien dire ! » « Les sondages se sont toujours trompés. »…

A ces interrogations légitimes, à ces affirmations parfois justes, je réponds qu’à deux mois d’une élection, les sondages peuvent parfaitement être contredits par le scrutin qu’ils sont sensés analyser. En janvier 1995, Jacques CHIRAC était donné à 12%, Jean Marie LE PEN à 9% en janvier 2002, deux mois avant le référendum sur la constitution européenne, le oui était gagnant..

Les sens des résultats que donnent les études d’intentions de vote changent avec le temps. Plusieurs mois (4-5) avant l’élection, ils sont avant tout le reflet de l’aspiration d’une partie informée de la population, les couches populaires de l’électorat se déterminant beaucoup plus tard que les autres. A ce stade, tout est ouvert.
Plus tard (3 – 2 mois), ils sont le reflet de l’ambiance politique du pays, et situent les dynamiques. Ils permettent d’identifier les points forts et faibles, les thématiques porteuses ou celles qui desservent les candidats. Tout est encore réversible à ce moment là. Nous traversons cette période et commençons à nous rapprocher de la dernière.
Enfin, la signification des sondages évoluent une ultime fois pour, au fur et à mesure que l’on s’approche du jour de l’élection, devenir un outil de prédiction des résultats. Résumer les sondages à ce seul dernier point est une hérésie. Ils ne le sont de manière fiable que 2-3 jours avant l’élection si celle-ci semble serrée, ou 1 à 2 semaines si la situation est plus tranchée.

Maintenant sortons des chiffres pour faire une analyse objective de la situation. Lorsque vous, très honorables lecteurs de ce blog, discutez autour de vous de la campagne, vous avez certainement tous abordé au moins une fois les problèmes que rencontre Ségolène ROYAL, plus personne ne les conteste. Vous avez tous remarqué que celui qui réalise aujourd’hui la meilleure campagne est François BAYROU. Enfin, très objectivement, vous avez tous noté autour de vous, avec bonheur ou avec crainte c’est selon, que Nicolas SARKOZY semble le mieux placé pour l’emporter aujourd’hui (je parle ici de perception de son organisation et de sa stratégie politique, non d’aspiration personnelle). Quelque soit votre opinion personnelle, cette perception là vous avez dû la constater. Les sondages n’en sont que le reflet et de ce point de vue, force est de constater qu’ils ne se trompent pas.
Il est toujours plus intéressant d’ailleurs d’analyser les pronostics et souhaits de victoire plutôt que de s’attarder sur les intentions de vote à cette période de la campagne. Le politoscope LCI – Le Figaro est de ce point de vue l’outil d’analyse le plus pertinent en ce moment (
http://www.lefigaro.fr/medias/pdf/politoscope_15_02.pdf).

Celui de cette semaine montre une chose importante : Le discours de Ségolène ROYAL n’a pas marqué les esprits. A la question « quel candidat à marqué le plus de point cette semaine dans la campagne, elle n’arrive qu’en seconde position avec 26% derrière François BAYROU (30%) et devant Nicolas SARKOZY (24%). Le meeting du 11/02 était sensé relancer la machine socialiste, on voit que l’objectif n’est pas atteint. Les difficultés politiques qui s’ajoutent à cet état de l’opinion font que la campagne de la candidate socialiste continue de mal se dérouler. Affirmer le contraire serait faire preuve d'autisme.

Le potentiel de vote réalisé par IPSOS
(http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/poll/8365.asp) montre d'ailleurs pour la première fois une nette fragilisation de la structure de l'électorat de Ségolène ROYAL. Parmi les sympathisants du PS, ceux qui sont certains de voter pour elle ne représentent plus que 35% soit - 11pts, alors que ceux qui affirment qu'il est possible qu'ils votent pour elle sont 54% (+ 8 pts). La solidité du vote ROYAL est donc atteinte. J'ajoute à cette information que son potentiel électoral passe 92% des sympathisants de gauche à 89%, soit une baisse de 3 points. Il y a donc des indices de craquements que j'évoquais dans mon dernier post.

Il va falloir suivre avec attention la performance de Mme ROYAL lors de l'émission de lundi soir sur TF1. Le premier résultat sera l'audience : à moins de 7 millions de téléspectateurs, les indicateurs seront vraiment dans le rouge.


Mais qui peut me dire quelle annonce du candidat centriste justifie cette semaine son accession à la première marche du podium selon le Politoscope ? Rien ! Si ce n’est le rejet d’une partie croissante de l’électorat du débat actuel. François BAYROU serait-il devenu le LE PEN républicain des élites bien pensantes, comme l’a dit Eric ZEMMOUR dernièrement ?

8 commentaires:

Anonyme a dit…

merci encore une fois pour cette analyse pertinente, quel plaisir de lire des argumentaires aussi solides. Aurais tu un avis concernant le vote extrême-droite qui n'est pas vraiment pris en compte réellement dans les sondages (je précise que je ne vote pas pour ce parti), et qui pourrait jouer les troubles-fêtes comme en 2002?

Jean-François ROCHE a dit…

Les sondeurs ont toujours eu du mal à évaluer fiablement le FN. Je note que sa courbe de progression suit de près celle de François BAYROU. Surtout la structure de l'électorat qui manifeste ces intentions de vote est beaucoup plus solide. Je ne suis donc pas loin de partager l'avis de François HOLLANDE sur Jean Marie LE PEN.
Est-il en mesure d'être au second tour ? Tout peut toujours arriver surtout à ce stade de la campagne.

Maintenant, le niveau des deux grands candidats et surtout le jeu de vases communiquants entre le vote Ségolène et le vote Bayrou ne laisse pas présager une telle possibilité.

Anonyme a dit…

merci pour ta réponse. Je pense que le vote FN va beaucoup dépendre de l'ambiance en France avant le 1er tour, plus il y aura de manifestations et de grèves dans le service public, plus l'exaspération montera et plus le FN récoltera. Un problème d'attentat, et le FN grandira...
je fais l'analyse que les gens qui votent FN, surtout les militants ne dévoilent pas vraiment leurs intentions dans l'optique de laisser JMLP arrivé tranquillement comme en 2002 sans effrayer à l'avance, et être au 2ème tour. Il me semble (mais je peux me tromper et seul l'avenir nous le dira) que Bayrou est parti d'un peu loin pour vraiment dépasser JMLP au soir du 22 avril.
Plus que 2 mois pour savoir...

Anonyme a dit…

Salut, je viens de Yahoo Q/R où tu viens de répondre à une de mes questions. Pour Royal, j'ai lu un article intéressant ce matin qui expliquait que sa stratégie éait de se laisser bousculer et dévaluer pour mieux rebondir. C'est ce qui s'est passé lors de son investiture (elle a été fortement tancée par son camp). C'est ce qu'a fait W.Bush pour sa victoire face à Al Gore, qu'on donnait gagnant. Cette technique semble donc fonctionner... Qu'en penses-tu ?

source: Metro Toulouse du 16/2, n°679, article de Pierre-Marie Vidal, directeur de la rédaction de Profession politique

Jean-François ROCHE a dit…

Chaque candidat a son scénario de campagne avec un ordonancement très soigné des ralliements et des annonces. Un exemple : entendez-vous BORLOO parler ces derniers temps ? Non. Or, il est une des armes de SARKO pour contrer BAYROU...
Il devrait sortir ces jours-ci.
En ce qui concerne Ségo, n'ayant pas d'infos précises, je ne souhaite pas spéculer.

Anonyme a dit…

Cette tendance à la baisse me semble relever de l'assassinat médiatique dont S. Royal est la victime depuis qu'elle a remporté la primaire! D'autre part, elle a de grosses difficultés de positionnement dans sa stratégie de plaire, elle drague un groupe en en fustigeant un autre. Cette stratégie, qui fonctionne - pour l'instant - chez Sarkozy ne prend pas auprès d'un électorat de gauche justement perturbé par une stratégie inédite de ce côté de l'échiquier politique.
Ou peut-être fait-elle le nécessaire pour que François Hollande finisse par se présenter à sa place?
En tout cas, félicitations pour votre ton très neutre!

Jean-François ROCHE a dit…

FOG a dit "les médias lèchent, puis lâchent et enfin lynchent..."

Anonyme a dit…

jean-Francois, bravo pour l'analyse mais le sondage Ipsos a été fait AVANT Villepinte et l'opération "Tous sur le pont" pour faire connaitre nos propositions.
Il me semble que malgré l'épiphénomène Besson, le déclin est désormais enrayé et nous avons tout pour rebondir !