vendredi 23 mars 2007

La commission des sondages dénonce "une erreur manifeste" dans deux enquêtes CSA

Le Monde du 20/03/07

Mardi 20 mars, on lit dans le quotidien Le Parisien une note inhabituelle : "Lors de ses séances des 16 et 19 mars 2007, la commission des sondages a examiné deux sondages relatifs à l'élection présidentielle, réalisés par l'institut CSA, et publiés dans les éditions du Parisien-Aujourd'hui en France des 8 et 15 mars derniers. Eu égard à certaines modalités de redressement appliquées aux résultats bruts de ces enquêtes, la commission, sans pour autant mettre en cause l'intégrité professionnelle de l'institut, exprime des réserves sur le caractère significatif des intentions de vote publiées dans ces deux sondages."

En clair, il y a une "erreur manifeste" dans ces deux enquêtes, reconnaît Matthias Guyomar, le secrétaire général de l'autorité qui contrôle tous les sondages et demande, en l'occurrence, que ces deux enquêtes dépourvues de valeur "ne soient pas interprétées". La commission a utilisé son pouvoir de publier une "mise au point" dans le média qui a commandité le sondage incriminé. Une procédure rarissime : c'est la première fois qu'elle se produit dans la présidentielle 2007. Les derniers précédents remontent à la campagne sur le référendum européen de 2005 et aux dernières municipales.
Mis en cause, CSA reste pourtant droit dans ses bottes : "L'institut CSA, en toute indépendance, maintient intégralement ses évaluations", a fait savoir sa direction dans Le Parisien publié mardi.

Quel est l'enjeu ?
Le premier des deux sondages incriminés est celui dans lequel François Bayrou "talonnait" pour la première fois Ségolène Royal : le candidat de l'UDF était crédité de 24 % des intentions de vote au premier tour, en progression de 7 points, derrière la socialiste, donnée à 25 %, et M. Sarkozy à 26 %, dans cette enquête publiée le 8 mars. Le second, publié le 15 mars, exprimait au contraire un recul de M. Bayrou, à 21 %. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal remontaient tous deux d'un point, respectivement à 27 % et 26 % d'intentions de vote par rapport au précédent sondage CSA.

"NOUS SOMMES UNE TOMBE"
La commission des sondages refuse de dire si "l'erreur" concerne les intentions de vote de M. Bayrou, ou si elle concerne un ou plusieurs candidats. Elle se borne à reconnaître que ce sont les méthodes de redressement qui sont en cause. "Celles-ci peuvent être socio-démographiques, précise Matthias Guyomar. Un exemple théorique : un institut peut 'booster' les réponses des 3 % d'ouvriers présents dans un échantillon si ceux-ci représentent en fait 6 % de la population française. Le redressement peut aussi se fonder sur des critères politiques, comme les précédents scrutins." Mais il refuse d'entrer plus dans le détail, de peur de "révéler une méthode exclusive d'un institut".
A chaque fois que sont mis en cause les instituts de sondages, se pose la question du secret, cruciale dans un secteur si concurrentiel. La commission des sondages, qui est la seule instance à connaître les "secrets de cuisine" des mesures d'opinion, en est partie prenante. "Le deal, c'est que nous sommes une tombe, car sinon on risque de tarir la source d'informations et de mettre en péril la qualité du contrôle", justifie M. Guyomar. Sachant bien qu'il y a "un climat de suspicion autour des sondeurs", le "gendarme" prend d'ailleurs le soin de souligner que "l'intégrité de CSA n'est pas en cause, et qu'il s'agit d'une erreur objective, pas d'une manipulation".

Cette "mise au point" n'aura-t-elle donc aucune conséquence ? "Le fait que CSA maintienne ses évaluations fait partie du jeu permanent entre contrôleur et contrôlé", sourit Matthias Guyomar, qui précise que la plupart des différends se règlent d'habitude par la "discussion" avec les instituts, hors de la place publique. Si CSA ne corrigeait pas ses méthodes de redressement, la commission des sondages, qui relève la qualité de ses relations avec les instituts, n'aurait d'autre moyen de pression que de publier une nouvelle mise au point. "Nous avons bon espoir qu'il prenne en compte notre recommandation, affirme le secrétaire général de la commission des sondages. Le plus important en période électorale, c'est la crédibilité. Je ne suis pas sûr qu'un institut prendrait le risque de mettre la sienne en cause."

Alexandre Piquard

1 commentaire:

Anonyme a dit…

cela fait plusieurs fois que les chiffres CSA sont en contradiction totale avec les chiffres des autres instituts...ils sont vraiment à prendre avec des pincettes. Cela dit je pense qu'en faisant croire à l'électorat de gauche que Mme Royal est en mesure de battre M. Sarkozy cela est plutot un avantage pour ces deux concurrents. La tentation Bayrou risque d'être moins forte chez l'electorat de gauche si la confiance revient dans la capacité de leur candidate naturelle à être élue.